Le fond de page a été réalisé à partir d'un Pattern-welding ou Alliage à motifs à trois bandes d'un yataghan mi-XVIII°

Dès son apparition, il y a environ 4.000 ans, l'épée a été l'arme individuelle préférée, tout à la fois témoignage technologique et artistique. Le Pattern welded ou alliage à motifs illustre parfaitement ce propos.

Ce terme fut utilisé pour la première fois par Hubert Maryon lors de la découverte en 1948 d'une épée près d'Ely où des motifs superbes avaient été dégagés par l'acidité de la tourbière. Dès le début du siècle, des études furent menées pour interpréter et tenter d'expliquer cet art perdu (J. Lang et B. Ager - étude radiographique d'épées). Cependant, les lithographies de l'étude de Lorange sur les épées viking du Bergens Museum (1889) demeurent insurpassées par leur beauté et leur clarté.

La chronologie

¤ Les Celtes (500 AJC): la structure complexe de leurs épées a fait l'objet de nombreuses études métallurgiques. Elles étaient composées de plusieurs bandes de fers différents de la longueur de l'épée et forgés ensemble. Par approches successives, les forgerons perfectionnèrent ce procédé en faisant varier les composants de l'assemblage en couche. Ils purent ainsi augmenter la dureté de l'ensemble en introduisant lors de la fusion de petites bandes de fer chargé en carbone. Cela donnait un bon compromis entre les forces et faiblesses de chaque composant.

¤ Entre le I° AJC et le I° après JC, peu de motifs.

  Epée celte du I° AJC: on distingue 3 bandes (1 au milieu et 2 bords)

¤ A partir du III°, le procédé semble s'être propagé un peu partout: épées à motifs exhumées des tourbières de Nydam (Nord de l'Allemagne).

¤ Entre le V° et le VII°, c'est l'apogée dans la richesse et la complexité des motifs. Une radiographie au rayon X faite sur un échantillon de 142 lames du V° au X° (Laboratoire du British Museum) montre que le méthode était utilisée dans 64% des cas avec un pic de 100% au VII°.

¤ A partir du X°, cette technologie est peu à peu abandonnée pour être remplacée au XI° par celle de l'Acier trempé homogène.

La technique

Pratiquement pour toutes les lames de cette époque, on partait d'une barre de fer de la longueur de l'épée. Cette barre était composée de plusieurs bandes (le plus souvent 7) en couches alternées et forgées ensemble. Chaque bande provenait d'un fer différent. Selon le dessin final désiré, les bandes préalablement tordues, étaient placées côte-à-côte avec le même sens de torsion ou inversé. Une fois forgées ensemble, meulées et polies, elles révélaient un motif qui pouvait être encore différent si les bandes avaient été écrasées préalablement à l'assemblage. De plus, cette diversité des motifs était accrue par la composition des minerais (impuretés et éléments divers: phosphore, carbone, nickel, vanadium, ...) qui augmentait encore le contraste dégagé par l'acide.

L'étude des surfaces

Les épées des Grandes Invasions (V° et VI°) et celles des Vandales et des Mérovingiens (VII° et VIII°) avaient une longueur comprise entre 71 et 81 cm.( hors soie) pour une largeur moyenne de 5,6 cm.. Leurs bords étaient parallèles avec une pointe peu prononcée. Leurs faces étaient plates. La partie centrale était en Pattern-welding ou Alliage à motifs alors que les bords et la pointe étaient en acier, donc, sans dessin.

A la période Viking, la forme générale de l'épée devient plus triangulaire et l'épée plus lourde avec un point d'équilibre vers la garde. Une large gorge apparaît sur chaque face. Elle est en Pattern-welding alors que les bords et la pointe demeurent en acier, donc, sans dessin.

Dans ces 2 types d'épées, l'alliage à motifs est obtenu par 2 à 4 bandes sur chaque face allant de la garde à quelques centimètres de la pointe. Ces bandes pouvaient être tordues ou non et parfois, inversées d'une face à l'autre. Deux bandes voisines à torsion inversée donnaient un dessin en chevron ou arêtes de poisson.. Pour les épées plus triangulaires, les bandes se resserrent vers la pointe en formant des ondulations de serpent.

L'étude des sections

Elle apporte elle-aussi un ensemble d'informations sur la structure: elle permet de mesurer la densité des motifs sur chaque face en fonction de la compression obtenue par battage.

Exemples de dessins en fonction du nombre de bandes et du battage (par le maître-forgeron Dan Maragni):

  • A - rondin toronné avec 16 bandes.
  • B - avec 8 bandes
  • C - B après aplatissement.

On peut ainsi trouver:

  • un même dessin visible sur les 2 faces, le plus souvent, composé par deux ou trois bandes, ceux avec une seule bande étant les moins fréquents.

  • un dessin différent sur chaque face, le plus souvent, composé par deux à quatre bandes.

  • cette structure propre aux épées celtes évoluera vers une simple décoration. En effet, une mince couche de deux à quatre bandes de Pattern-welding pour chaque face sera séparée par un noyau de fer homogène.

Détail d'une lame de Yataghan (probablement du milieu du XVIII°) montrant trois bandes de Pattern-welding d'épaisseur variable (de 25% à 50% de l'épaisseur totale).

La lame est relativement peu épaisse, sauf au niveau du dos. Le dessin sur chacune des faces est différent, laissant présumer trois bandes inversées par face.

La densité des dessins indique que la compression par battage est importante.

 

Les inscriptions

Au cours du IX°, la technique était si maîtrisée que nombres de lames portaient des signes, des dessins géométriques ou des inscriptions. C'étaient des incrustations à chaud de fils en fer à haute teneur en phosphore.

Sur une face de la lame, on trouvait ainsi: ULFBERHT et INGELRII accompagnés parfois de ME FECIT. C'étaient des marques de forge en production pendant près de 2 siècles. Sur l'autre face, un motif géométrique.

Au milieu du XI°, ces inscriptions et motifs disparaissent au profit d'inscriptions nouvelles comme IN NOMINE DOMINI, sans doute en rapport avec le début des premières Croisades.

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La beauté et la singularité des dessins des lames en Pattern-welding ont, sans aucun doute, frappé l'imaginaire des peuples du nord de l'Europe. Certains témoignages nous sont parvenus.

Vers 520, Théodoric avait reçu en présent des épées des Varni, une tribu du Nord de l'Allemagne. Il en loua le jeu des ombres et lumières sur les faces des lames hautement polies et dont les dessins ressemblaient à de petits serpents.

Au X°, la Saga de Kormak pourrait bien faire allusion aux dessins de la lame de l'épée Skorfnung. Skeggi disait: " arrivés sur le champ de bataille, assied toi à l'écart et tire ton épée. Lève ta lame et souffle dessus. Alors, tu verras un petit serpent sortir de la garde. Baisse ta lame et tu le verras courir jusqu'à la pointe, ...".

De nombreuses autres références à des textes ou légendes sur le serpent dans l'épée sont recensés dans les Etudes de H.R. Ellis Davidson et E. Oakeshott.



BIBLIOGRAPHIE
  • Jones Lee A.. - Serpent in the sword - HTML edition copyright 1998 - Copyright 1997 by D.A. Oliver
  • Oakeshott, R. Ewart -The Archaeology of Weapons (NY FA. Praeger 1960)
  • William, Alan R. - Methods of manufacture of swords in Medieval Europe: Gladius (1977) p. 75 - 101
  • Davidson H. R. Ellis - The sword in Anglo-saxon England (Oxford University Press 1962
  • Du Chaillu Paul B. The Viking Age (NY: Charles Scribners'Sons 1889)
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