P R E A M B U L E

PLAN
 
De la NAFTE à la POUDRE
 
Au départ, existait la NAFTE, la plus pure forme de bitûme hautement inflammable que l'on trouvait en nappes affleurantes en Mésopotamie.

naptes est une «sorte de bitûme liquide» (Faits des Romains - éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel) - 1874 «liquide inflammable obtenu par distillation sèche de substances organiques» et 1874 naphte minéral ou natif (Lar. 19e - Emprunté au latin naphta «sorte de bitûme», à l'iranien nafta de nab- «être humide» et à l'akkadien naptu «naphte» par l'intermédiaire de l'araméen naphta

C'est au XII° qu'elle devint une arme par mélange avec du sulfure, des huiles ou des graisses, ... sous le nom de feu grec ou feu grégeois, largement utilisé contre les troupes, les villes assiégées et les navires. On le projetait de différentes façons: avec des tubes de cuivre (en lances incendiaires), avec des pôts de terre (en grenades incendiaires lancées à la main ou par catapulte), avec des bouteilles en verre propulsées par flêches. Les musulmans les utilisèrent contre les croisés et les mongols. Sa composition fut perdue après la chute de Constantinople en 1453.

S'ouvre alors l'époque de la poudre à canon.

   
Les chinois produisaient en effet dès le IX° de la poudre par mélange de salpêtre (nommé neige ou sel chinois), du sulfure et du charbon pilé. Mais ce n'est qu'au XI° qu'ils mirent au point les premières armes portatives à canon de fer et de cuivre (dénommées Khotun) ainsi que les premiers canons à fût de bambou.

En 1132, sous la dynastie des Song du Sud, Chen Gui inventa le premier lance-flammes qui révolutionna l'histoire des armes à feu. C'était un long tube de bambou épais rempli de poudre qui, une fois mise à feu, permettait de diriger les flammes sur l'ennemi. C'était une arme terrible pour l'époque qui permettait un tir direct, contrôlable et de grande précision. Au lance-flammes succéda un genre de mortier, fait lui aussi d'un tube de bambou épais qu'on remplissait de poudre. Ce mortier propulsait des projectiles dans un grondement de tonnerre. On peut considérer qu'il s'agit là du premier canon utilisé dans l'antiquité.

Les différentes invasions véhiculèrent la formule de la poudre qui passa en Perse (avant le VII°), puis en Inde de qui les arabes la détiennent à partir du XIII° sous le terme de Baroud ou Barut.

Au siège de Huescar (Espagne) en 1324, les musulmans utilisèrent pour la première fois en Europe contre les chrétiens une sorte de canon tirant à boulet incendiaire ou projeté par des lanceurs de siège (Mangonel: voir ci-dessus).

La première utilisation par les européens aura lieu à Crécy (1346) avec les bombardes anglaises (voir ci-contre).

L'évolution des armes à feu orientales
 
Les débuts furent prometteurs avec les canons du Grand Turc qui formaient le corps d'artillerie le plus réputé et craint de l'époque.
 
Quant aux armes portatives, elles apparaissent dès le début du XV°. Les Ottomans, alors en pleine conquête territoriale, équipent leur marine d'arquebuses montées sur affuts, leurs défenses de lourds fusils de rempart et enfin, leurs fantassins de mousquets dénommés TUFEK.

Dès la fin du XV°, la diffusion du TUFEK à mèche sera assurée par les garnisons de Janissaires installées dans les territoires conquis par les Ottomans. Tout au long du XV° jusqu'à la fin du XVI°, il se répand en dehors de l'Empire jusqu'en Asie centrale, en Perse, en Inde et dans la Péninsule arabique.

Le TUFEK peut être considéré comme le père des armes à feu orientales ayant marqué d'une empreinte forte les productions locales.

Cependant, malgré tout, le contraste demeurait violent avec la richesse et la diversité des armes blanches orientales.

Sur le plan technique, il n'y a pas d'innovation. Les arquebusiers orientaux se contentaient de suivre avec un retard croissant l'évolution des armes à feu occidentales. Après les importations de pièces d'Europe, suivirent celles d'armes montées (Levantines) décorées localement.

Comment expliquer ce retard insurmontable après un début aussi brillant?
 
¤ La tactique traditionnelle de combat des orientaux était fondée sur la cavalerie qui, après une pluie de flêches, chargeait à la lance et au sabre. C'était l'héritage des traditions des conquérants nomades, la seule façon noble de combattre compatible avec l'Islam.

¤ Religion et traditions ont eu pour conséquence le conservatisme. Par exemple, la survie des oreilles des Yataghans (remontant au Luristan) ou celle du système à mèche de mise à feu (mis au point au XV°) qui perdurera jusqu'au début du XX° en Asie centrale, aux Indes et dans la Péninsule arabe.

¤ Industrialisation de l'Europe à outrance dès le XVIII° qui l'amena à exporter massivement ses pièces détachées et armes, concurrençant ainsi les productions artisanales locales.

Mais, c'est au XIX° que les conséquences de la non-industrialisation orientale produisit ses pleins effets. Leur incapacité à mettre en oeuvre la technologie des cartouches européennes (en particulier, le fulminate de mercure des amorces) les obligèrent à conserver les platines à silex et à mèche.

Ce retard technologique devenant insurmontable, les armées orientales durent s'équiper d'armes modernes achetées massivement aux USA (Remington, Winchester) ou en Europe (Martini-Enfield, ...).